L’Observatoire mondial sur les déchets électroniques tire la sonnette d’alarme 🌿

La gestion des déchets électroniques est devenue une préoccupation majeure à l'échelle mondiale.
Rien qu’en 2022, dans un contexte de crise environnementale croissante, une quantité record de 62 millions de tonnes de déchets électroniques a été générée.
Cependant, seulement 22,3 % de ces déchets ont été collectés et recyclés de manière responsable.

Ces déchets proviennent de divers appareils comme les smartphones, cigarettes électroniques, sèche-cheveux, tablettes, cuisinières, machines à laver et panneaux solaires, etc.

Cette situation critique est pointée du doigt dans le rapport Global E-Waste 2024 publié par l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) et l'Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (UNITAR), deux organismes qui sont des émanations de l’ONU.

On y constate notamment que L’Europe est le continent qui a généré le plus de déchets électroniques en 2022 (17,6 kg par habitant) avec, cependant, un taux de collecte et de recyclage le plus élevé (7,5 kg par habitant). Ce qui donne un taux de recyclage global de 42,8 % des déchets électroniques produits. Ce taux de collecte européen est certe le plus élevé mais il reste bien en deçà de ce qui est nécessaire pour arriver à un équilibre entre nos déchets et leur recyclage puisque cela signifie qu’il reste environ 10 kg de déchets électroniques en moyenne par habitant européen qui n’ont pas été recyclés, soit 57,2 % de nos déchets produits en 2022 qui ont échappé au cycle vertueux du recyclage.

À ce rythme là, nous croulerons bientôt sous nos déchets électroniques

Un constat alarmant sur la vitesse de génération des  déchets électroniques.
En effet, le rapport Global E-Waste 2024 expose une réalité préoccupante : la génération de déchets électroniques augmente cinq fois plus rapidement que leur recyclage documenté*.

De plus, la demande croissante de nouveaux appareils, la rapide obsolescence des technologies et les infrastructures de recyclage parfois inadéquates aggravent la situation. 

C’est vrai que les défis qui s’imposent à nous pour réussir à endiguer cette spirale infernale sont colossaux. C'est pourquoi nous devons nous efforcer de les comprendre pour y répondre au mieux et ne plus rester sidérés devant cette montagne de e-déchets mais apprendre à la résorber.

Impact environnemental.
Ce rapport souligne également que la valeur des ressources naturelles récupérables non recyclées atteint 62 milliards de dollars. Un gaspillage immense de ressources car celles-ci pourraient contribuer à réduire considérablement l’impact négatif du cycle de vie des appareils si elles étaient réutilisées lors de la phase de fabrication, c’est-à-dire celle qui génère le plus de pollution sociale et environnementale.

L'impact sur les risques de pollution pour les communautés mondiales est réel.
En effet, ces déchets électroniques, lorsqu'ils ne sont pas correctement recyclés, libèrent des substances toxiques telles que le plomb, le mercure et le cadmium, qui peuvent contaminer le sol et l'eau et posent de graves risques pour la santé humaine et l'environnement, comme c’est déjà le cas dans certains pays d’Afrique où le recyclage n’est pas ou peu mis en place.
De plus, les déchets électroniques non traités contribuent indirectement à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre ce qui a pour conséquence d’accélérer le réchauffement climatique.

Opportunités économiques et environnementales
Le rapport Global E-Waste 2024 évoque les opportunités économiques et environnementales de la gestion efficace des déchets électroniques, comme la récupération de matériaux précieux et la réduction des émissions de CO2 qui en découlerait.
Rien qu’en 2022, la valeur brute totale des métaux contenus dans les déchets électroniques était estimée à 91 milliards de dollars. La plus grosse part de la valeur potentielle des matières premières secondaires dans les déchets électroniques réside dans le cuivre (19 milliards de dollars), l’or (15 milliards de dollars) et le fer (16 milliards de dollars).

En parallèle, une étude publiée en mai 2024 et pilotée, entre autres, par l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) et réalisée par le Credoc (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des conditions de vie)  le Baromètre du numérique 2023, met en évidence un paradoxe français : malgré une volonté affichée de réduire l'empreinte numérique et carbone en France, l'adoption de pratiques responsables et d'achat de produits reconditionnés reste pourtant limitée.

Pourquoi comparer ces deux rapports ?
Mettre en regard le rapport Global E-Waste 2024 et le Baromètre du numérique 2023 du Credoc est intéressant car ils offrent des perspectives complémentaires sur la génération des déchets électroniques. Le rapport de l'UIT/UNITAR fournit une vue d'ensemble des défis mondiaux liés à l'E-waste et met en évidence une crise mondiale des déchets électroniques avec l'augmentation rapide de leur production versus les faibles taux de recyclage documentés*.
Le rapport du Credoc, lui, aborde les comportements et les attitudes des consommateurs français envers le numérique en général mais aussi le reconditionnement, le recyclage et la durabilité numérique, et montre que la France est encore en retard en matière de consommation durable, d’usage responsable et de recyclage.

Sur la consommation :
Bien que 80 % des Français soient conscients de l'importance de réduire leur empreinte numérique, seulement 17 % ont acheté un appareil électronique reconditionné au cours de l'année écoulée. 
Et même si la part de la population possédant personnellement un smartphone acquis d'occasion ou reconditionné a légèrement augmenté, passant de 17 % en 2022 à 19 % en 2023, l'achat d’un smartphones reconditionné pour des raisons environnementales reste marginal, avec seulement 10 % des personnes ayant acheté un smartphone reconditionné pour cette raison, contre 23 % pour des raisons de prix.
Les jeunes sont les plus nombreux à choisir un smartphone reconditionné dans une optique de préservation de l'environnement : 33 % des 18-24 ans disposent d’un smartphone reconditionné, contre 18 % des 40-59 ans.

Sur l’usage :
Plus d’un foyer Français sur deux avec un accès internet à domicile (52 % exactement) possède chez lui au moins un appareil qui n’est pas utilisé. Une personne sur trois indique que plus de 40 % des écrans du foyer restent en permanence inutilisés.

Autant d’appareils dormants qui pourraient être recyclés.
La sensibilisation environnementale numérique est encore peu développée parmi la population Française qui considère encore en grande majorité que le tri des e-mails et la recharge nocturne évitée des appareils numériques seraient des pratiques efficaces pour réduire l'impact environnemental du numérique.
En réalité, seul le fait de prolonger la durée de vie des appareils a un impact notable, comparé au tri des e-mails et à l'évitement de la recharge nocturne, moins prioritaires selon l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et l'Arcep.

Sur le recyclage (non documenté par le Credoc mais par le Global E-Waste)
Pas de quoi être fiers, sur le continent Européen, la France est le quatrième plus gros producteur de déchets électroniques par habitant, derrière la Russie, l’Allemagne et le Royaume-Uni avec 22 kg par Français et par an.

Ce retard sur les pratiques responsables s’expliquer par plusieurs facteurs :
Manque de sensibilisation :
bien que la sensibilisation à l’impact environnemental du numérique ait augmenté, de nombreuses personnes ne sont pas encore pleinement conscientes des avantages du recyclage et de l’achat de produits reconditionnés.

Habitudes de consommation : Les habitudes de consommation sont difficiles à changer. Les consommateurs ont tendance à privilégier les produits neufs, même s’ils sont conscients des alternatives plus durables.

Accessibilité et coûts : L’accès aux produits reconditionnés peut être limité géographiquement, et certains consommateurs peuvent percevoir ces produits comme moins fiables ou plus coûteux.

Communication et incitations
Les pouvoirs publics et les entreprises doivent continuer à communiquer sur les avantages du recyclage, des pratiques responsables et du reconditionnement. Des incitations financières ou des campagnes de sensibilisation pourraient encourager davantage de personnes à adopter ces pratiques.

Une couverture médiatique qui en dit long.
Si on s'intéresse à la couverture médiatique qui a suivi la publication du rapport Global E-Waste 2024, on s’aperçoit que l’importance de cette étude a bien suscité un intérêt médiatique significatif à l’échelle mondiale puisque selon l’IA connectée Bing de Microsoft, dans les 12 heures suivant sa publication, elle a été mentionnée dans 1 438 articles, sur 1 176 sites d’actualités, dans 30 langues et dans 80 pays.
En France, en revanche, quelques médias ont bien relayé l’information mais elle est restée sous les radars des grands médias avec pignon sur rue.
Dommage !
Encore une opportunité manquée d'informer et d'éduquer le public sur l'intérêt d’adopter des pratiques durables en matière de gestion des déchets électroniques.

Sensibilisation, politiques publiques et initiative locales
Le rapport mondial sur l’E-waste montre que des pays comme l'Allemagne et la Suède ont mis en place des systèmes de recyclage robustes et des politiques incitatives, tandis que le rapport du Credoc démontre la nécessité d'améliorer la sensibilisation, d’éduquer sur les pratiques durables, de faciliter l'accessibilité des options de recyclage en France et de promouvoir la consommation des appareils reconditionnés.

La multiplication de certaines initiatives locales montrent cependant des signes d’une évolution positive à ce sujet. Par exemple, des programmes de sensibilisation et des campagnes de recyclage commencent à émerger au niveau local.
De plus en plus d’entreprises se spécialisent dans la valorisation et le réemploi des déchets électroniques. D’autres intègrent des préoccupations environnementales dans leurs stratégie d’entreprises, leurs missions, leur adn ou même leur process et leurs chaînes de valeur.
Et c’est tant mieux, ça va dans le bon sens, mais ça ne suffira pas à absorber le trop plein.
Il faut agir au niveau collectif mais aussi au niveau individuel et les politiques publiques se doivent de multiplier les opportunités d’action pour tous.

Le rôle des politiques et des entreprises
Les politiques publiques et les entreprises jouent en effet un rôle crucial dans la promotion du recyclage et de la durabilité. 
Pour reprendre l’exemple de l’Allemagne, l’instauration de systèmes de dépôt-remboursement pour certains types de déchets électroniques incite manifestement bien plus les consommateurs individuels à retourner leurs appareils usagés à des fins de recyclage.
En Suède, des incitations fiscales permettent aux citoyens de bénéficier de réductions d'impôts lorsqu'ils font réparer leurs appareils électroniques plutôt que de les jeter, ce qui encourage la réparation et la réutilisation.

L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) est un acteur incontournable dans la promotion du reconditionnement, du recyclage et des pratiques durables en France et publie régulièrement de nombreux rapports, études et infographies sur le sujet.
De plus, le gouvernement français soumet au Parlement, tous les cinq ans, une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire. Enfin la loi AGEC adoptée en 2020 et qui vise à réduire le gaspillage et à promouvoir une économie plus durable en encourageant la réutilisation, la réparation et le recyclage des produits et matières premières prend bien en compte le recyclage des déchets électroniques avec la filière DEEE.
En effet, grâce à cette loi, les producteurs d’équipements électriques et électroniques ménagers sont responsables de l’enlèvement et du traitement des DEEE ménagers collectés sélectivement sur le territoire national.
Mais pour des appareils importés depuis l’étranger, comme c’est le cas pour de nombreux téléphones, cette réglementation n’a aucun sens et les initiatives prises par l’Allemagne et la Suède sur l’incitation individuelle au recyclage par les citoyens eux-mêmes semblent plus pertinentes en termes d’impact favorable sur le recyclage des déchets.

En France, des mesures plus concrètes pourraient être mises en place pour encourager le recyclage des déchets électroniques.

Des incitations fiscales : offrir des avantages fiscaux aux entreprises qui recyclent correctement leurs déchets électroniques pourrait encourager davantage de comportements responsables. De telles mesures pourraient aussi être étendues aux consommateurs individuels, par exemple par le biais de crédits d'impôt pour la réparation d'appareils électroniques.

Des campagnes de sensibilisation publique : promouvoir d'avantages des campagnes d'information nationales pour éduquer le public sur les avantages des pratiques responsables, du reconditionnement et du recyclage pourrait aider à combler le fossé entre la prise de conscience et les actions concrètes. 

Des régulations plus strictes : imposer des régulations plus strictes sur la gestion des déchets électroniques pourrait aider à garantir que les appareils en fin de vie soient recyclés de manière responsable. Cela pourrait inclure des exigences pour que les producteurs et les détaillants offrent systématiquement des services de reprise et de recyclage des appareils usagés.

Les fondamentaux à respecter pour une gestion durable des appareils électroniques

Prolonger la durée de vie des appareils :

  • Pour les utilisateurs : prolonger autant que possible la durée de vie de ses appareils électroniques par un usage responsable. Faire des mises à jour logicielles régulières quand c’est possible et privilégier les réparations.
  • Pour les entreprises : optimiser l’usage de ces appareils, et dans le cadre d’une gestion de flotte maîtrisée des téléphones par exemple, favoriser des politiques de prolongement.
  • Encourager les pratiques qui allongent la durée de vie du matériel.

Favoriser la seconde vie des appareils :

  • Pour les particuliers : revendre ou donner les appareils toujours fonctionnels mais inutilisés.
  • Pour les entreprises : établir des partenariats avec des entreprises spécialisées sur la gestion des matériels concernés.

Recyclage responsable des appareils en fin de vie :

  • Pour les particuliers : donner ses déchets électroniques à recycler dans les points de collecte mis en place par certains opérateurs ou magasins et déchetteries ou lors de collectes ponctuelles mises en place par des collectivités locales ou des associations.
  • Pour les entreprises : travailler avec des partenaires qualifiés pour garantir que ces déchets en fin de vie seront recyclés de manière responsable.

Enfin, ces deux rapports de l'UIT/UNITAR et du Credoc soulignent la nécessité d'une prise de conscience accrue et d'actions concrètes en matière de gestion des déchets électroniques. Les consommateurs français sont visiblement conscients de ces enjeux mais il existe un fossé entre la prise de conscience et les opportunités du passage à l'action. 

Pour résoudre le problème de la gestion des déchets électroniques en France, il est nécessaire d’augmenter la sensibilisation, de renforcer les politiques publiques et d’impliquer davantage les acteurs concernés. En prenant exemple sur l’Allemagne et la Suède, la France pourrait améliorer son taux de recyclage, encourager un comportement plus durable chez ses citoyens, réduire l’impact environnemental des déchets électroniques et favoriser une économie circulaire plus efficace.
Les trois piliers que sont la prolongation de la durée de vie des appareils électroniques, faciliter leur seconde vie et leur assurer un recyclage responsable sont des incontournables.

Ces actions et la promotion de pratiques plus durables peuvent contribuer à la réduction des déchets électroniques. Quand on sait que 5 milliards de téléphones dorment dans les tiroirs des entreprises dans le monde, selon une étude de la GSMA (Global System for Mobile Communications Association), on a encore du pain sur la planche en matière de gestion responsable de nos déchets électroniques.

*Le “recyclage documenté” fait référence à la collecte, au traitement et au recyclage des déchets électroniques qui sont officiellement enregistrés et suivis. Cela signifie que chaque étape du processus de recyclage est documentée, de la collecte des déchets électroniques à leur traitement final. Cela permet de s’assurer que les déchets électroniques sont gérés de manière responsable et écologique, et de suivre l’efficacité des efforts de recyclage. C’est un élément clé pour améliorer la gestion des déchets électroniques et réduire leur impact environnemental.

Sources

Global E-Waste Monitor 2024
Nouveau rapport de l'ONU sur les déchets électroniques

Analyse du Global E-Waste Monitor 2024 par NotebookCheck

Baromètre du numérique 2023 par le Credoc

Étude de la GSMA sur l’estimation du nombre de téléphones dormant dans les tiroirs

Politique publiques/Économies circulaire et déchets/Équipements électriques et électroniques (DEEE)